mardi 24 octobre 2017

♪ 62 : Le dernier temps du rêve qui gronde, peint en do

J'ai découvert In C de Terry Riley après Music for 18 Musicians de Steve Reich. Je n'ai jamais aimé la version classique autant qu'elle le devrait, et au début je pensais que c'était parce que je comparais In C à Music for 18 Musicians — parce que même si Riley est venu avant, il faut avouer que toutes ces compositions minimalistes se ressemblent beaucoup. Pourtant c'est remarquable In C, avec sa partition modulable (les 53 fragments qui la composent peuvent être répétés comme on veut, l'ensemble peut être réduit ou très grand, on peut choisir où commencer et arrêter les fragments que l'on joue), sa tonalité constante qui ne lasse jamais, sa tension et sa gaieté.

Et puis j'ai découvert la version jouée par l'ensemble Africa Express, avec des instruments africains et européens, et je dois dire que je la préfère carrément à l'enregistrement de 1968 par Riley même.


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Every Time Feels Like the Last Time de Daniel W J Mackenzie est un album d'ambient avec un côté acoustique mélancolique (violoncelle, piano, phonographies…) et un côté mystérieux, qui n'est pas étranger au bruitisme ni même à un peu de cruauté (on n'est pas chez Ben Frost, mais il n'est pas si loin que cela). Ce n'est pas du dark ambient, mais c'est clairement un disque à écouter la nuit.

Le label, Eilean, associe à tous ses disques une couleur, une saison ainsi qu'un point sur une carte ; pour cet album-ci, ils disent blanc, gris et hiver, mais je trouve que c'est déjà parfait pour l'automne avec les couleurs qui rougissent et le froid qui s'annonce.


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Māyopama de Miguel Isaza est un album basé sur le concept bouddhiste du même nom, qui se décline sur autant de pistes en : rêve, illusion magique, hallucination, mirage, écho, « cité de Gandharvas », réflection et apparition. C'est une musique très discrète, composée principalement à partir de phonographies qui, sans être reconnaissables, semblent changer l'espace dans lequel on les écoute. Quasiment rien n'arrive, mais c'est vraiment beau quand on y prête attention. En fait ça me fascine, c'est un des meilleurs albums de lowercase que j'ai écoutés depuis un moment.




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Chasing Voices est un projet collectif anonyme qui pousse au piratage à force de publier chacune de leurs pistes, même si elle ne fait que cinq minutes, sur son propre vinyle. Cela dit, ils les soignent, leurs pistes ! Si j'accroche moins à celles qui virent dubstep, quand ils restent dans la techno c'est carrément bon. Ex Nihilo Nihil Fit, avec son rythme changeant et rapide qui tranche sur une atmosphère de pénombre agréable, et Scold, une lente progression d'un quart d'heure dans les ténèbres qui ne casse d'être intrigante avec des sons quasi-dark ambient et un peu d'acid vers la fin, sont toutes les deux remarquables. À noter qu'elles n'ont rien à voir au niveau du style, je ne pense pas qu'elles soient l'œuvre des mêmes artistes.


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Hand in Hand de Félicia Atkinson oscille entre l'étrange, le froid et le chaud. C'est une musique expérimentale à la frontière de l'abstraction austère et du presque mélodique, avec des sons synthétiques et d'autres très familiers comme des bols musicaux ou un clocher. La voix de l'artiste est souvent présente, mais en chuchotements qui partent d'un côté, de l'autre, jusqu'à qu'on s'y perde. (La piste où on peut le plus facilement suivre ce qu'elle dit est “Adaptation assez facile”, mais ce ne sont que des instructions pour s'occuper de plantes.)

C'est un peu comme entrer dans une charmante petite maison, toute blanche, avec une serre et des plantes, et s'y perdre de pièce en pièce.


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Bonjour, je viens d'écouter un album de Kate Bush pour la première fois et c'était fabuleux. Ce n'est pas la première fois que j'essayais, mais au début je n'avais pas accroché. Ce n'est pas le genre de musique qui passe toute seule ni qui se laisse approcher par un seul angle, sur ce disque elle est cinquante personnes différentes et autant de voix ; à chaque chanson j'ai eu envie de prêter attention à tout plutôt que d'écouter simplement la musique comme je le fais en général, et si les dix pistes n'ont pas de lien entre elles, l'enchaînement de la piste-titre (inspirée par la culture aborigène) et de “Night of the Swallow” (celtique) me donne des frissons à chaque fois. Enfin, ce n'est pas moi qui vais vous vendre The Dreaming, qui a sans doute été déjà analysé sur des dizaines de pages, mais écoutez-le si jamais vous ne l'avez pas déjà fait !


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Un autre artiste qui m'impressionne, c'est Ambrose Akinmusire. Ça fait des mois que the imagined savior is easier to paint est dans ma liste de disques à recommander, mais comme je ne m'y connais pas du tout en jazz… Tout ce que je peux dire, c'est que : c'est du post-bop, qui puise aussi parfois son inspiration dans des musiques classiques contemporaines ; c'est une musique séduisante, accessible, mais qui ne demande qu'à ce qu'on lui prête un peu d'attention pour se révéler plus complexe. Les sujets des quelques chansons sont aussi durs que contemporains : il est question de sans abri, de la vie tragique de Cyntoia Brown (enfermée à vie pour un crime commis à seize ans… vous pouvez chercher les détails, je vous préviens que ça va vous déprimer pour la journée), de personnes tuées par armes à feu aux États-Unis. Mais c'est avec un visage grave et digne, non hurlant de douleur ou de tristesse, que la musique exprime tout cela. Quant aux autres pistes, je me sentirais bien incapable de les résumer. Je ne sais pas à quel point ce jazz est innovant ou traditionnel ou que sais-je. En tout cas, c'est un album qui me paraît important. Et comme ça fait des mois que je n'en parle pas, je peux dire que je l'ai beaucoup écouté, qu'il me fait toujours aussi forte impression et que je n'en ai pas encore fait le tour.

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