samedi 9 août 2014

♪ 24 : la nuit intérieure micropsychédélique cueille assez de violettes pour ses professeurs

Micropangaea de Brendan Byrnes est un disque qui évoque différents lieux et éléments d'un continent fictif sur une Terre à venir. Et c'est un album de rock expérimental microtonal avec des éléments électroniques.

Chaque piste est composée selon un système microtonal différent, mais je ne vais pas pouvoir vous en dire plus parce que je n'y connais absolument rien ! Je peux juste vous dire que ça m'évoque des formes complexes (mais pas totalement étrangères) qui auraient des couleurs inattendues… ou, pour coller un peu plus au concept, des espèces (flore, faune, …) contemporaines qui auraient évolué et ne serait plus tout à fait les mêmes.

Les rythmes, quant à eux, restent classiques et le style… me rappelle un petit peu celui de Battles en fait, en plus fin. Micropangaea n'est pas un album intimidant, il semble conçu pour donner aux auditeurs l'envie de s'intéresser à la musique microtonale plutôt que de les plonger tout de suite dans un univers étrange et dissonant. Et je trouve que ça fonctionne.

L'album est disponible à prix libre sur Bandcamp. Je vous invite aussi à consulter le site officiel de l'album, qui a une page consacrée à chaque piste, contenant à chaque fois des explications techniques sur la composition ainsi qu'un paysage coloré inspiré par la musique (j'aime les sites comme ça !).

P.S. J'ai un album de Battles depuis des années et celui de Byrnes depuis quelques semaines. J'ai beaucoup plus écouté celui de Byrnes que celui de Battles.



Un jour, peut-être, j'aurai écouté tellement de musiques expérimentales que plus aucune ne me surprendra et que je serai capable de tout écouter et de tout apprécier sans rien trouver « bizarre ». Si ce jour arrive, je ne le reconnaîtrai pas et, avec un peu de chance, je refuserai d'y croire. Si ce jour n'arrive jamais, tant mieux ! Si ce jour arrive et que je le reconnais, les implications seront déprimantes. Mais je m'égare.

Free Psychedelic Poster Inside d'Intersystems est un disque qui raconte les amours d'un couple en plastique, Gordy et Renée. La musique, ce sont surtout des sons psychédéliques stridents et minimaux, avec des textes parlés qui semblent parfois être les éléments les plus mélodieux de l'ensemble. On approche l'atonalité de temps à autre. Voire souvent. C'est un drôle d'univers, une drôle d'œuvre, touchante malgré ses apparences cliniques. Peut-être est-ce une histoire d'amour très belle et très tendre, simplement racontée avec des sons qui n'ont pas leurs fonctions esthétiques habituelles. Peut-être est-ce une contradiction nette et voulue insoluble entre les sons et l'histoire. Peut-être est-ce une vision sonore d'un futur possible où un frigo vide qui vrombit nous paraîtrait romantique.

C'est sorti en 1968 et je ne pense pas que beaucoup d'autres disques aient ressemblé à ça.

Le disque est épuisé depuis longtemps (il n'aura été édité que deux fois), et je ne sais pas s'il y avait vraiment un poster psychédélique à l'intérieur.



Après avoir beaucoup aimé Todd Terje, je cherche donc des artistes cool en disco et nu-disco. Je peux déjà en recommander un : Billy Bogus ! Son premier album, Night Movie, est très sympathique. Basses et rythmes dansantes, mélodies prenantes, un style à vrai dire plus house que disco… et puis, de l'exotisme en carton-pâte de “Terror Island” ou “Disco Delhi” à la chanson romantique “Contact”, tout a un petit côté rétro-kitsch qui reste de bon goût. Le label a d'ailleurs sorti une « bande annonce » pour l'album avec des extraits sur un montage de vieux films, et les titres dans une police de caméscope.

L'album suit le modèle classique de la première moitié rythmée suivie d'une seconde plus posée (et comme souvent, la première est meilleure que la deuxième, mais il n'y a rien à jeter ici). J'ai l'impression que Night Movie aurait pu être un album très populaire s'il avait été remarqué par les bonnes personnes… En tout cas j'ai beaucoup de plaisir à l'écouter.



J'ai envie de vous faire écouter Professor Bad Trip de Fausto Romitelli, mais ce disque est difficile à décrire. C'est de la musique contemporaine qui emprunte à d'autres genres contemporains, le rock principalement, pour en récupérer une énergie plus directe et une certaine spontanéité ; la composition-titre, en trois parties, évoque douleurs, vertiges, sans tomber dans le chaotique ou l'inécoutable mais avec toujours un sentiment d'instabilité et d'impressions simultanées contradictoires. Suivent trois autres compositions : “Seascape” avec ses instruments à vent fait très « musique concrète », “Green, Yellow and Blue” se rapproche pas mal de “Professor Bad Trip”, et “Trash TV Trance” est une sorte de piste « glitch » intégralement jouée à la guitare électrique.

Ce n'est pas un disque facile, mais c'est un bon disque. Encore mieux : vous pouvez regarder l'ensemble Ictus jouer tout “Professor Bad Trip” en concert avec chorégraphie associée ici !

Deux citations de Romitelli :
« Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui l’intérêt n’est plus dans le matériau lui-même (tonal, atonal, spectral, etc.), mais ailleurs : dans le traitement du matériau lui-même, capable de produire un écart plus ou moins significatif dans notre mode habituel de perception, une fêlure dans une situation de communication établie, acquise, rassurante, normalisée. »

« Aujourd’hui, une musique doit être violente et énigmatique, car elle ne peut que refléter la violence de l’aliénation massive et du processus de normalisation qui nous entoure. »
(Je ne suis pas forcément d'accord avec lui, mais ça permet peut-être de voir quelles étaient ses ambitions.)

Une autre critique courte mais intéressante : http://le-club-des-mangeurs-de-disques.blogspot.fr/2012/09/fausto-romitelli-professor-bad-trip.html



Wood Violet est le dernier album en date des Rain Drinkers, et il est merveilleux. Xavier Kraal et Joe Taylor sont loin d'être les seuls à associer drones et instruments classiques, mais eux en font une musique spirituelle et lumineuse d'une intensité peu commune. Apparemment, ils trouvent leur musique en canalisant des énergies extérieures, que ce soit des esprits environnants, des souvenirs, l'impression qu'évoque un endroit ou autre… Je ne sais pas comment ils font, mais le résultat est superbe.

Ce dernier album se démarque un peu des précédents par une plus grande énergie, moins de mélancolie contemplative. La seule chose que je lui reproche, c'est le fait que la dernière piste soit en live alors que les deux premières sont en studio (ça brise un peu l'unité, forcément).

J'avais déjà présenté le groupe un peu plus longuement, en français ici et en anglais là. Vous pouvez lire un entretien avec le groupe ici, et écouter et acheter l'album là.



J'ai eu envie d'écouter ce disque pour sa pochette, une photo assez saisissante de la statue Mother Earth d'Einar Jónsson.

C'est un album que je classerais dans le drone, mais qui est plutôt bruitiste, strident, aggressif. Et surtout menaçant. C'est un disque monopiste plein de tension, j'ai l'impression d'être face à un énorme mur de béton dans un sous-sol qui commencerait à se fissurer sous l'effet d'un tremblement de terre, on sentirait les vibrations, on verrait l'éclairage qui vascille, on entendrait des vitres au loin qui se brisent, je m'attends d'une minute à l'autre à une déflagration qui détruirait tout. Elle ne vient jamais, mais l'intensité de cette musique clinique et hostile ne retombe jamais pour autant.

C'est une collaboration entre CM von Hausswolff, Jason Lescalleet et Joachim Nordwall (je connais un peu les deux premiers, pas le troisième). Ça s'appelle Enough!!! (le nom en fait un peu trop…) et c'est sorti chez Monotype Records.

Vous pouvez aussi télécharger un enregistrement live gratuit de la même composition chez Touch. Mais ça n'a pas vraiment d'intérêt d'avoir les deux.



Sinon, j'ai aussi écouté du Vivaldi, du Killing Joke et d'autres trucs dont je parlerai plus tard. C'était bien.

jeudi 7 août 2014

test de jeu vidéo n° 38 : Deadly Premonition

(À lire d’un ton emphatique.)


Mademoiselle, madame ou monsieur [insérer votre nom complet ici].


Je vous prie d’agréer mes sincères salutations !
Aujourd’hui, je vais vous parler de Deadly Premonition.

Ce jeu vidéo est sorti sur Xbox 360, Playstation 3 et PC.
Par les critiques, hélas, il fut très souvent mal noté.

« En jaune sur Metacritic ! », pensez-vous peut-être : « Qu’ai-je donc à faire d’un tel navet ? »
Mais — vous vous en doutez — si je vous en parle, c’est qu’il a de l’intérêt.

S’il fut mal reçu, c’est en partie car, d’un point de vue technique,
Le jeu de Swery 65 est franchement assez catastrophique.

Cependant, plutôt qu’une œuvre bien réalisée mais sans originalité, fadasse,
Deadly Premonition, malgré ses tares, regorge d’aspects badass.

Il a de l’originalité, du charme, et un bon scénario.
Cela suffit-il donc à faire oublier ses défauts ?

Hé bien non ! Pas du tout ! Ne nous voilons pas la face,
Deadly Premonition a souvent des allures de vulgaire farce.

Et pourtant, pour certains, c’est un jeu culte improbable,
Qui, malgré, mais aussi grâce à ses défauts, est assez mémorable.


Dans la petite ville paisible américaine de Greenvale,
Vivait une certaine Anna, adolescente blonde et belle.

Un jour, on la retrouve suspendue à un arbre, éventrée.
Mais qui donc aurait pu commettre une telle atrocité ?

C’est là qu’entre en scène Francis York Morgan, le héros :
Agent du FBI aux méthodes singulières, c’est un sacré barjo !

Ignorant ses collègues, York fait plus que tout confiance à son intuition,
À son ami imaginaire, et à la voyance dans son café (étrange superstition).

Il fait assez souvent preuve d’arrogance,
Et semble (au début) n’arriver à ses fins que par chance.

Les autres personnages sont parfois sympathiques,
Parfois bizarroïdes, parfois encore comiques.

Certains sont ridicules au point de faire peur,
Ou d’agacer vraiment, comme Keith le vendeur-rockeur.

Brian le fossoyeur insomniaque, quant à lui, semble tout droit sorti d’un Zelda.
Heureusement que les policiers sont plus réalistes — j’ai nommé George, Emily et Thomas.

Vous n’incarnez pas York, mais Zach, son ami imaginaire,
Qui l’aide à prendre des choix quand il ne sait pas quoi faire.


L’ambiance du jeu est souvent réussie mais inégale, chaotique,
Et on peut dire la même chose de ce qui touche à son esthétique.

Si les scènes de meurtres en particulier sont véritablement horrifiques,
Elles sont parfois suivies d’absurdités involontairement comiques.

Les cris des zombies sont de parfaitement ridicules « NYEUUUH ! »,
Et la modélisation et l’animation rappellent l’époque de la PS2.

Si les musiques sont pour la plupart agréables, et même souvent impec,
Que dire de celle-ci : http://www.youtube.com/watch?v=rzvXBFwcyek ?

Comme tous les fans du jeu, je l’aime beaucoup, je ne peux pas dire qu’elle soit ratée,
Mais dans un survival horror sérieux, elle serait quelque peu déplacée.

C’est à se demander si ce grotesque n’est pas parfois assumé,
Et à vrai dire, cela rajoute du charme à ce jeu bien chtarbé.

Si vous voulez savoir pourquoi j’écris avec ces rimes à deux sous,
Veuillez donc regarder la cinématique ci-dessous :



Cette scène représente bien l’étrange mélange qu’est Deadly Premonition.
Et vous savez quoi ? Certains fans ont essayé ce sandwich… et l’ont trouvé bon !

En vérité, le sandwich lui-même pourrait représenter le jeu :
Du grand n’importe quoi, qui étonnamment, n’est pas dégueu.


Deadly Premonition est inspiré par Twin Peaks et y fait souvent référence,
Allant de temps en temps jusqu’à copier cette série culte à outrance.

Mais si York a des allures de clone de Dale Cooper,
L’histoire, elle, est originale et a sa propre saveur.

(On pourrait également citer Silent Hill parmi ses inspirations,
Mais rares sont les survival horror aujourd’hui à éviter cette comparaison !)


Deadly Premonition est un jeu à histoire, il ne brille pas par son gameplay ;
Ce n’est vraiment pas un défi que de descendre les zombies au pistolet.

Ils sont lents et stupides, ce ne sont qu’une distraction ;
Et leurs « NYEUUUH ! » risibles manquent souvent de briser l’immersion.

Les énigmes, quant à elles, sont franchement bêbêtes,
À aucun moment Deadly Premonition ne vous donnera mal à la tête.

Quant au grand méchant qui fait peur, c’est fort malheureux,
Mais j’ai vite fini par le surnommer « Monsieur QTE ».

Le plus grand défaut du jeu, pour moi, c’est le monde ouvert mal géré :
Trop vide, trop grand, et vraiment fastidieux à explorer.

Ma première journée libre à Greenvale fut un véritable fiasco ;
Ne trouvant plus mon hôtel, dans une grange perdue je dus faire dodo.

La ferme à côté était vide, avec ma voiture pourrave j’avais dû en défoncer l’entrée,
Et j’écopai d’un malus de 20 dollars au réveil parce que mon costume était tout crotté !

Toute la journée d’avant, les magasins étaient fermés, j’avais trouvé portes closes
Et gaspillé toute l’essence de mon véhicule pour vraiment pas grand chose.

Pis : la station service, à cette heure-là, était fermée,
Et je dus m’arrêter en panne sèche sur un bas-côté.

J’ai surtout râlé à cause de la carte : impossible de dézoomer pour la voir en entier !
J’ai même pensé à mettre sur pause, à la chercher sur internet et à l’imprimer.

À ce moment seulement, ce jeu m’a démotivé.
Heureusement, avec l’habitude, les choses se sont arrangées.

Je vous conseille de mémoriser les routes, chicanes et pentes
Et d’aller acheter chez le Général une auto plus performante.

Vivre à Greenvale, en fait, ressemble à la vraie vie :
On bourlingue, on bosse, on mange, on dort et on se divertit.

On peut changer de costume, se laisser pousser la barbe ou se raser — pourquoi pas ?
Ça ne sert pas à grand chose, certes, mais le souci du détail était là.


Bref. Deadly Premonition, navet ou jeu génial ?
Jeu raté ou admirable ? Les deux, mon général !

Bien pensée, prenante, originale, grotesque, foireuse et incongrue,
L’expérience « bipolaire » de Greenvale vaut le coup d’être vécue.

Ce jeu est audacieux et n’avait pas les moyens de ses ambitions.
On sent qu’il a été fait avec maladresse et passion.

Notez également qu’il ne coûte que vingt euros.
Et très honnêtement, moi, je trouve qu’il les vaut.

Il vous faudra une vingtaine d’heures pour en venir à bout,
Il y a des quêtes secondaires aussi, perso, je n’ai pas fait tout.

La version PS3, “The Director’s Cut”, est augmentée :
Plus de quêtes annexes, plus de cinématiques, des graphismes améliorés.

Ce test en rimes foireuses et badines arrive à sa conclusion.
C’était terriblement lourd, je m’en excuse, et vous remercie de votre attention.


Ainsi écrivis-je en imitant M. Tillotson.