samedi 12 janvier 2013

vendredi 4 janvier 2013

Beck


Beck, de son vrai nom Beck Hansen sauf qu’en fait c’est pas son vrai nom mais on s’en fout, à ne pas confondre en tout cas avec Jeff Beck ni avec Glenn Beck, est un musicien cool qui enregistre des chansons rock/folk/hip hop excentriques. Il est blond et il ressemble un peu à Thurston Moore, mais attention, ce n’est pas Thurston Moore. Quoi qu’il en soit, je vais vous parler de ses disques. (À Beck. Pas à Thurston Moore.)



Mellow Gold (1994)… n’est pas le premier album de Beck, mais la plupart des gens ainsi que le site officiel le considèrent comme tel, donc on va faire comme si. C’est avec ce disque, et surtout avec le single “Loser”, que le monde découvre le style nonchalant, foutraque et désabusé de cet artiste qui a vécu dans un taudis et enchaîné les petits boulots nazes, genre souffleur de feuilles — et qui s’inspire de ce mode de vie pour écrire ses chansons, entre autodérision, critique sociale et humour absurde. Mellow Gold, c’est le rock D.I.Y. sans thunes mais avec des idées et un harmonica, des inspirations folk et hip hop, ainsi qu’une tendance apparemment complètement naturelle pour l’expérimentation. Des boucles passées à l’envers et des samples des Bisounours (authentique !), des bidouillages et du lo-fi en pagaille, des paroles qui ne font pas forcément beaucoup de sens (ne me demandez pas pourquoi, j’ai toujours trouvé que “I’ve got a drug and I’ve got the bug and I’ve got something better than love” était une ligne géniale), et surtout des chansons très réussies. Mellow Gold est l’un des meilleurs albums de Beck, et si vous voulez découvrir l’artiste, je vous conseille de commencer par là. Ou bien par Odelay, c’est vous qui voyez. Par contre c’est vrai que la pochette est affreuse. Du coup je dirais bien que c’est “un album à acheter les yeux fermés”, mais j’ai déjà fait cette blague qui en plus n’est pas très drôle. {8.5/10}



Stereopathetic Soulmanure (1994), sorti en réalité quelques semaines avant Mellow Gold, est un bordel pas possible : plus de vingt pistes, un mélange de vraies chansons, de brouillons, d’enregistrements bruts sortis d’on ne sait où (genre un clochard qui chante, ou des extraits aléatoires d’un journal), une chanson live qui parle d’un porte-clefs Ozzy Osbourne, une histoire qui parle de Satan et de tacos, un machin à l’accordéon intitulé “Jägermeister Pie”, une chanson complètement dissonante et désaccordée chantée par un homme coupé en deux, des enchaînements sans aucune logique apparente, une tracklist approximative qui ne correspond pas au nombre de pistes sur le CD — bref, on a l’impression d’écouter un montage semi-aléatoire de fonds de tiroir. Ou bien un suicide commercial. Il y a quelques très bonnes chansons là-dessus, genre “Thunder Peel” que j’adore, “Crystal Clear (Beer)”, ou l’ouverture noisy hurlante “Pink Noise (Rock Me Amadeus)”. “Rowboat” fut reprise par Johnny Cash sur l’un de ses albums. Mais Stereopathetic Soulmanure dans son ensemble est tellement brouillon, dense et bordélique que l’écoute en est franchement fatigante, à vrai dire je ne crois pas l’avoir écouté en entier plus d’une fois ou trois. À réserver aux fans, même si son côté chaotique a un certain charme. {5/10}



One Foot in the Grave (1994) est un album de folk acoustique. Il est peut-être très bien, mais comme je trouve que le folk acoustique est un genre intrinsèquement soporifique et ennuyeux, je ne l’ai que très peu écouté et je ne peux pas dire grand-chose à son sujet (j’aime “Atmospheric Conditions” et “Fourteen Rivers Fourteen Floods”, le reste bof ou alors je ne me souviens plus). L’édition originale du disque est assez courte et contient seize pistes, la réédition de 2009 en rajoute seize de plus.






Exit les guitares acoustiques et les chansons qui ressemblent à des démos enregistrées pour un budget de deux centimes : sur Odelay (1996), Beck sort le grand jeu ! Des mariages stylistiques qui claquent, des rythmes dansants, les Dust Brothers à la production (je ne les connais pas mais peu importe, ça fait bien de les citer il paraît), un son plus hip hop, des chansons carrément accrocheuses qui bougent dans tous les sens… C’est l’album le plus accompli de Beck, le plus enjoué, celui qui a le plus de succès, généralement considéré comme son chef-d’œuvre. Ce disque ne sent peut-être pas autant le vécu que Mellow Gold, mais qu’importe. Aujourd’hui je l’écoute moins que les autres, mais c’est parce que je l’ai trop écouté à l’époque…

Étonnamment, la meilleure chanson sur Odelay (du moins ma préférée) n’est présente qu’en tant que piste bonus sur certaines éditions et est totalement absente de l’édition “deluxe” anniversaire 2 CD (que je n’ai pas achetée principalement à cause de ça). Elle s’appelle “Diskobox” et est carrément orientée hip hop/funk. {9/10}



Sur Mutations (1998), Beck revient à un style plus mélancolique et axé folk rock. Rien à voir avec Odelay, mais on est aussi loin du style acoustique épuré de One Foot in the Grave : le son de Mutations est nettement plus “propre” et travaillé, les pistes ont un côté indolent mais restent assez variées. C’est celui que je préfère parmi les disques “mélancoliques” de Beck, même si les enchaînements de chansons molles finissent quand même par me lasser un peu et que mes pistes préférées sont les plus atypiques, celles qui bougent le plus — à savoir “Tropicalia” et surtout “Diamond Bollocks” (cette dernière étant la seule vraie piste rock du disque). {7.5/10}





Sur Midnite Vultures (1999), Beck se met au funk rock. En voilà une bonne idée ! C’est album très fun, qui démarre par le tube “Sexx Laws” (la chanson est géniale, le clip aussi) et continue dans une veine un peu plus improbable, parfois peu crédible mais le plus souvent réjouissante. Beck peut-il tout se permettre ? En tout cas, il ne se prive pas d’essayer ! Sur l’excellent final “Debra”, il se la joue même Prince, séducteur avec sa voix de fausset. Midnite Vultures ne fait pas partie des albums préférés des fans, mais je l’aime beaucoup. Les seuls moments où il pêche vraiment à mes oreilles, ce sont ceux où il ne fait pas danser. {7.5/10}

P.S. La pochette moche est signée Yamatsuka Eye, des Boredoms. Hé ouais.



Un album mélancolique, un album festif, un album mélancolique, un album festif… Beck continue sa carrière en zig-zag avec Sea Change (2002), l’album le plus calme et le plus introspectif qu’il a jamais enregistré. C’est l’un des albums les plus populaires de l’artiste, mais il ne faut pas s’y tromper : Sea Change un disque à écouter en cas de grosse dépression amoureuse (c’est d’ailleurs dans ces conditions qu’il a été enregistré), à éviter si on veut du rock. L’artiste laisse parler son cœur plutôt que de jouer avec les styles et les mots, la production est signée Nigel Godrich (connu pour son travail avec Radiohead, et qui s’était déjà occupé de Mutations). De belles chansons sur ce disque, surtout si on est dans l’humeur, mais franchement je trouve que toutes finissent par se ressembler un peu et que ce son larmoyant a quelque chose de lassant, voire de lourd à la longue. Je retiens surtout l’excellente “Paper Tiger” (aux arrangements inspirés de Gainsbourg et Vannier, de loin la piste la plus réussie du disque), même si “Lost Cause” et “Lonesome Tears” sont aussi très réussies dans leur genre. {6/10}



Sur Guero (2005), Beck tente de revenir au son qu’il avait sur Odelay… et n’y arrive pas vraiment. C’est le début d’une période moins inspirée pour Beck : un style qui commence à tourner en rond, des chansons parfois bonnes, parfois oubliables, qui sonnent toutes “comme du Beck” sans qu’il y ait beaucoup plus à dire à leur sujet. “E-Pro” est certes carrément entraînante (il y a toujours au moins une piste excellente sur chaque album de Beck), mais Guero est dans l’ensemble un album assez décevant, que je n’écoute plus aujourd’hui. {5.5/10 (mais tout à fait subjectivement, je crois que je lui préfère Stereopathetic Soulmanure)}



Le niveau remonte un peu sur The Information (2006), mais c’est grosso modo le même topo : un album où Beck fait du Beck, et où on se dit que ses meilleurs jours sont derrière lui. “Cellphone’s Dead” est cool, bon, OK. La piste qui se détache du lot, c’est “The Horrible Fanfare/Landslide/Exoskeleton”, suite de dix minutes en trois parties, plus sombre et nettement plus originale et inspirée que le reste. (La pochette est très cool : il s’agit d’un papier quadrillé vierge avec une feuille — tirée au hasard parmi quatre disponibles — d’autocollants à coller dessus !). {6/10}





Après ces deux déceptions, j’avais presque envie de laisser tomber Beck. Ce ne fut que plusieurs années après sa sortie que je donnai une chance à Modern Guilt (2008)… qui, contre toute attente, me séduisit carrément. La différence avec les albums précédents n’est pas évidente de premier abord, et pourtant… les compositions n’ont plus ce goût de réchauffé, elles ont une vraie âme, Beck maîtrise de nouveau son style plutôt que de se laisser simplement guider par lui. Modern Guilt, c’est le disque d’un artiste qui a traîné sa bosse, qui ne tente plus de paraître cool (et qui du coup le redevient !), mais qui reprend l’écriture au sérieux. Ça n’est ni un disque mélancolique ni un disque rythmé, c’est les deux à la fois. C’est le disque le plus court de Beck (à peine plus d’une demi-heure). C’est aussi, pour moi, le meilleur qu’il ait sorti depuis Odelay. Et un tel redressement à ce point d’une carrière qui paraissait sombrer dans l’oubliable, ça fait sacrément plaisir. {8.5/10}



Six ans après cette bonne surprise (ça file quand même !), Beck nous sort Morning Phase (2014), disque-frère de Sea Change. La ressemblance saute aux oreilles : même type d’arrangements très travaillés, même type de chansons qui semblent couler toutes seules et baignent l’auditeur dans une ambiance douce…

La différence, c’est que Morning Phase est un disque serein et plutôt optimiste, soit tout le contraire du chagrin d’amour profond et interminable de Sea Change. Morning Phase est un disque sans surprise mais agréable, même si on pourra lui reprocher sa production aussi chargée qu’un gâteau de mariage intérieur Louis XV (à peu près autant d’effets que sur la pochette). Il contient surtout une piste qui sort vraiment du lot : la superbe “Wave”. Le reste est correct sans être indispensable. {6/10}


Sinon, Beck a aussi sorti de chouettes faces B et pistes hors album, ça vaut le coup d’en chercher quelques-unes (du moins celles qui datent des années 90). Les deux premiers albums de Beck s’appellent Golden Feelings et A Western Harvest Field by Moonlight ; ils sont tous deux épuisés ou disponibles uniquement en bootleg (je ne les ai pas écoutés, mais quelques pistes sont réapparues plus tard (réenregistrées ?)). Enfin, Beck a collaboré avec Charlotte Gainsbourg, je ne sais pas si vous aimez Charlotte Gainsbourg, moi je préfère Serge mais bon voilà. J’espère que je vous ai donné envie d’écouter un peu, parce que même si je critique, ça reste l’un de mes musiciens préférés ; en attendant je vous poste quelques clips :





Une de mes pistes préférées de Mellow Gold, et aussi l'une de mes pistes préférées de Beck tout court. (Y’a Buzzo des Melvins dans le clip !)





La première piste de Midnite Vultures. Funky, baby.
(Y’a Jack Black dans le clip !)






Beck en mode hip hop cool, sur Odelay, avec deux platines et un micro.





L'un de mes nombreux coups de cœur sur Modern Guilt, la classe en noir et blanc.





Une chouette piste qui n'est pas disponible sur album, avec un clip signé Michel Gondry.
“Signé Michel Gondry”, en général, ça veut dire “très sympathique”. En l’occurence aussi.


mercredi 2 janvier 2013

Les disques que j’ai le plus écoutés en 2012 :



· The Necks, c’est un groupe incroyablement cool de jazz/ambient expérimental. Pour être honnête, Drive By n’est pas leur meilleur album : il y a des parties que j’adore (cette mélodie au piano qui revient, toute simple mais parfaite !) et d’autres qui m’ennuient (les parties dissonantes qui gâchent un peu le voyage). Mais c’est le premier que j’ai découvert de leur discographie, et c’est lui qui m’a donné envie d’écouter tous les autres. Si vous aimez l’ambient, les sonorités jazz et les longues pistes, franchement, il faut que vous écoutiez The Necks. Vous vous demanderez comment vous avez pu vous en passer.

· Aquatic, c’est le meilleur album des Necks et l’un de mes albums préférés tout court. Superbe. J’avais écrit une critique dessus en anglais sur mon ancien blog, mais j’ai du mal à décrire ce genre de musique…

· Sorcery/Geography de Witxes, c’est un album de dark ambient dans lequel on se perd sans s’égarer entièrement ; on y trouve du saxophone, de la guitare, du chant, plein de jeux de textures, des influences comme Tim Hecker, Bohren & der Club of Gore ou Rafael Anton Irisarri… et de grands éclats lumineux, parce que Sorcery/Geography n’est pas glauque ni lugubre. C’est un très joli jeu de labyrinthes, de miroirs et de clairs-obscurs.

· Voices from the Lake (éponyme (je sais qu’il faut dire “homonyme” en français mais je dis “éponyme” quand même)), c’est un superbe disque d’ambient techno qui évolue très lentement mais pile à la vitesse qu’il faut, et passe des abysses minimalistes à une surface illuminée en une demi-heure, avant de redescendre vers les profondeurs crépusculaires. Le tout sans aucune faute. Meilleur album sorti en 2012 selon moi (et oui, j’ai aussi écouté The Seer et Bish Bosch).

· Ottoman Black de Jason Crumer, c’est l’un des meilleurs albums de noise que j’ai écoutés pour le moment. Un disque à histoire (ou à thèse ?) insondable, racontée par sensations, par sentiments, sans un seul mot — un disque coup-de-poing qui n’est d’ailleurs pas assourdissant tout le long mais contient pas mal de passages ambient entre autres. J’avais commencé à écrire une longue critique dessus et j’ai arrêté pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la musique… j’en reparlerai, l’affaire est trop longue pour résumer ça en un paragraphe.

· Climate of Hunter est mon album préféré de Scott Walker. Un excellent disque de rock, sombre et électrique, quelque part entre son côté baroque pop des années 60 et les disques glauques expérimentaux qu’il sort depuis Tilt.

· Isolation de Pulusha, c’est un petit bijou d’ambient qui dure vingt minutes à peine ; une collaboration entre Mark Pritchard (de Global Communication, le groupe d’ambient qui a sorti le grand classique 76:14) et Kirsty Hawkshaw (la chanteuse d’Opus III, un groupe de trance que j’aime beaucoup aussi).

· Лёгкое дело холод (le seul album de Стук бамбука в XI часов, écrivez “Stuk Bambuka v XI Chasov” si vous avez du mal avec le cyrillique), c’est le trip-hop le plus glacial, le plus désolé, et l’un des plus expérimentaux qui existent. Il n’est plus disponible nulle part ; en attendant une réédition hypothétique, vous pouvez aller le télécharger ici.

· Kithless de Pedestrian Deposit, c’est un disque de musique électro-acoustique (à la limite du noise parfois) qui évoque l’effort, la douleur, la misère et plein de sensations corporelles. Une tragédie bruitistico-musicale.