mardi 18 décembre 2012

test de jeu vidéo n° 30 : Tokyo Jungle

Tokyo Jungle est un jeu de survie sorti sur PlayStation 3 et PlayStation Vita.
C’est un jeu japonais avec du sexe bestial et de l’ultraviolence sanglante.

C’est également un jeu très moyen et bourré de défauts. Mais ce jeu très moyen et bourré de défauts réussit tout de même à être fun, prenant, drôle, original et à avoir un certain charme ; c’est donc un très bon jeu très moyen.



Tokyo Jungle se passe dans un futur relativement proche où l’humanité a mystérieusement disparu ; la ville de Tokyo est envahie par les herbes folles, des nuages toxiques violets et des animaux de tout poil. Vous incarnez un animal et devez perpétuer votre lignée le plus longtemps possible. Pour cela, il vous faut faire tout ce que fait un animal sauvage dans la vraie vie, à savoir :
· vous nourrir (en chassant et en vous repaissant de la chair et du sang chaud de vos proies si vous êtes carnivore, en trouvant des plantes comestibles si vous êtes herbivore)
· vous reproduire (1. marquez votre territoire aux quatre coins d’une zone, 2. trouvez un animal du sexe opposé — plus vous avez mangé, plus vous avez un rang élevé et pouvez aspirer à vous reproduire avec un partenaire au bon patrimoine génétique, 3. trouvez un nid et 4. baisez comme des bêtes)
· éviter vos prédateurs (jouez-la Solid Snake dans les hautes herbes… enfin, plutôt Solid Cochon, Solid Chimpanzé, Solid Antilope Cervicapre etc ok vous avez compris j’arrête ok.)
· éviter la pollution toxique de la mort qui vous tue jusqu’au décès
· occire vos proies ou vos prédateurs si besoin est
· vous habiller n’importe comment et écouter de la techno.

Le gameplay est à peu près le même pour tous les herbivores et pour tous les carnivores ; ce qui change surtout, ce sont les caractéristiques de chaque animal (rapidité, endurance, force, résistance à la faim, etc), la honte d’incarner une poule débile ou la fierté d’incarner un LOULOU DE POMÉRANIE.


(Le seul autre jeu que je connais où il y a un loulou de Poméranie, c’est Ghost Trick. Je n’ai pas joué à Ghost Trick mais il paraît qu’il est très bien.)

— bref ; —
En pratique, le jeu est plutôt simple mais part de très bonnes idées. La faim, les nuages toxiques et les prédateurs guettent toujours, vous ne pouvez pas vous reposer sur vos lauriers et vous devez souvent prendre des risques (encore plus si vous voulez faire du scoring) ; il faut constamment rester en action, et chaque année où l’on survit est une petite victoire.

En plus de subvenir à vos besoins vitaux, vous avez une liste de “défis” à relever dans un temps donné (du genre : marquer votre territoire 4 fois, atteindre une certaine zone de Tokyo, manger 2 champignons, tuer X animaux, etc.) ; ceux-ci ne sont pas obligatoires, mais permettent d’améliorer les capacités de l’animal, de débloquer des objets, et surtout de débloquer de nouveaux animaux à incarner lors des parties suivantes.



Le jeu est en grande partie généré aléatoirement, ce qui est à la fois un atout et un défaut : on ne sait jamais sur quels ennemis on va tomber, les défis peuvent être faciles ou très corsés, et même l’environnement peut être incroyablement hostile. Certaines parties sont plutôt calmes au début, mais on finit tôt ou tard par se retrouver dans une situation du genre oh putain putain putain y’a trois alligators et une meute de lions qui me poursuivent et je suis en pleine zone toxique oh putain je vais mouriiirr§^§ù§`ù$bvr, à courir sans réfléchir et à utiliser tous les items possibles pour survivre. S’en sortir dans ces moments-là est vraiment satisfaisant ; par contre, crever au bout de deux minutes de jeu ou parce qu’il n’y a plus aucun moyen de se sauver nulle part, ça arrive aussi et c’est nettement moins agréable.

Le combat dans Tokyo Jungle est très basique et se joue surtout sur les mouvements ; on peut donner des coups normaux (d’un seul type, aucune subtilité de ce côté-là), bondir pour esquiver (avec le stick droit), envoyer des animaux de sa meute attaquer l’ennemi ou faire appât, mais le but principal est de trouver une ouverture pour donner une attaque fatale (qui tue un animal en un coup, à moins que celui-ci soit vraiment beaucoup plus grand et plus fort que vous). La plupart du temps, il vaut mieux se cacher dans les hautes herbes, pour ne pas se faire repérer (et éviter le combat… ou bondir sur la proie qui ne vous avait pas vu).

Enfin, si vous incarnez un poussin, vous n’avez de toute façon pas le choix : vous avez juste le droit de vous planquer, de picorer des fleurs et de faire piou-piou, dès qu’un chien ou un chat vous repère, COUIC ! vous êtes mort. (Enfin, plutôt “KFC !” que “COUIC !” vu que vous êtes un poussin, hi hi hi que je suis drôle). Le gameplay avec le poussin est très frustrant, je ne vous le cache pas. Je ne l’ai fait que pour débloquer le porc-épic. Je voulais jouer avec le porc-épic.


Il y a aussi un mode histoire dont les chapitres se débloquent en jouant au mode survie et en trouvant des objets particuliers (des archives qui expliquent pourquoi l’humanité a disparu) ; mais Tokyo Jungle est nettement plus orienté “arcade” que “histoire”, et se joue nettement plus comme Pac-Man que comme Dark Souls (comparaison à la noix, certes, mais bon). La longueur d’une partie peut varier énormément, entre trente secondes et… je ne sais pas combien d’heures, je ne sais même pas s’il y a une limite !



Bon, maintenant que vous connaissez grosso modo les mécaniques et les points forts du jeu, il faut quand même évoquer ses points faibles. Il y en a beaucoup et ils sont handicapants.

• La caméra est fixe, et il n’y a pas de vue subjective. Ce qui a pour fâcheuse et ridicule conséquence le fait que votre bestiau peut parfaitement voir un animal à cinquante mètres au fond de l’écran, mais pas un qui se trouve dix mètres de l’autre côté. Il y a certes une mini-carte/radar pour voir s’il y a des animaux qui se situent à proximité, mais ça n’est pas la panacée non plus.

• On peut (trop) vite se retrouver dans une situation quasi-impossible, ou mourir avant d’avoir eu le temps de dire “piou”. Surtout si on joue un putain de poussin. Mais c’est vrai aussi avec les autres espèces.

• Il n’y a qu’un seul terrain de jeu ; on finit par connaître la dizaine de zones par cœur à force. Ça aurait été cool de pouvoir aussi jouer dans d’autres endroits, ne pas avoir que Tokyo Jungle mais aussi, je ne sais pas, London Jungle, Le Caire Jungle, Moscou Jungle, Clichy Jungle ou Jungle Amazonienne Jungle.

• Au niveau graphismes, bruitages et bande son, c’est correct sans plus. Voire moins par moments : la musique du tutoriel est insupportable (celle du jeu même passe, sauf si on est allergique à la techno), la modélisation des animaux laisse à désirer et les cris des animaux sont… euh… difficile d’en juger quand on ne connaît pas le cri du cerf Sika ou de l’antilope cervicapre en fait, mais faudra pas s’étonner d’entendre un animal qui fait “koink !”.

• Après chaque game over, le jeu charge et transmet trente-six machins à internet pendant bien une minute. Ça n’est pas grave quand on a fini un run de deux heures ou plus, mais quand on vient de crever prématurément plusieurs fois de suite, ça pèse.

• Certains animaux (le panda notamment) ne sont disponibles qu’en DLC payant.

• Un certain manque de variété peut se faire sentir à la longue ; ça n’est pas le jeu le plus profond du monde. Personnellement, j’y ai joué pas mal les premières semaines, depuis je le ressors une fois de temps en temps avec plaisir mais je ne ressens pas de besoin particulier de finir le mode histoire par exemple.




Tokyo Jungle est un jeu avec de très bonnes idées mais une réalisation qui laisse à désirer ; dommage qu’il n’y ait pas de démo, sinon je vous encouragerais vivement à l’essayer. Est-ce qu’il vaut treize euros ? Pour ma part, je ne regrette pas de l’avoir acheté : même si je ne pense pas que je passerai 150 heures dessus, je prends bien ma patte avec. Mais si vous êtes plutôt exigeant(e) et que le concept vous intrigue plus qu’il ne vous séduit, mieux vaut y réfléchir à deux fois.








Ah oui ; il y a un point important que je n’ai pas évoqué, c’est l’humour du jeu. Il n’y a pas de vraies blagues dans Tokyo Jungle, c’est plus de l’humour situationnel, un certain ridicule humoristique à la japonaise qui fera pouffer certains et laissera d’autres complètement de marbre. Mais je tenais quand même à vous montrer ça — le gameplay de l’employé de bureau, animal bonus ultime en DLC :

samedi 10 novembre 2012

test de jeu vidéo n° 24 : Eternal Darkness


Добрый вечер tout le monde ! Ce soir, je voudrais vous parler d'un jeu vidéo que j'ai aimé.

Eternal Darkness: Sanity’s Requiem est un survival horror d'inspiration lovecraftienne ; on y incarne plusieurs personnages qui n'ont apparemment rien en commun, mais qui à différentes époques (de 26 avant Jésus-Christ à 2000 de notre ère) se retrouvent pris dans une même grande intrigue et confrontés aux pouvoirs des “Anciens” (des divinités monstrueuses, en conflit les unes avec les autres).

Le jeu n'est pas particulièrement difficile (à part un passage en particulier… deux maximum), mais fait preuve d'originalité à de nombreux égards ; et si la trame générale du scénario est assez classique, celui-ci reste très prenant. Le fait que l'histoire soit divisée en chapitres mettant en scène à chaque fois un personnage différent à une époque différente fait qu'il y a toujours une part d'inattendu. Au début, on a l'impression de jouer des histoires complètement séparées les unes des autres ; au bout de quelques chapitres, quand les nouveaux personnages revisitent des lieux vus par d'autres plusieurs décennies ou siècles auparavant, les pièces du puzzle s'assemblent. Les personnages peuvent être frêles et démunis, ou bien armés jusqu'aux dents avec fusil à pompe et sorts de malade — leur destin n'en est pas moins incertain face aux pouvoirs des Anciens.

Chaque personnage se retrouve à un moment ou à un autre avec le Livre des Ténèbres Éternelles entre les mains ; un ouvrage fait de peau humaine et d'os, qui lie le protagoniste à l'histoire générale et lui permet de lancer des sorts. Au début du jeu, son usage est assez limité et le personnage doit surtout s'en sortir par ses propres moyens, mais à partir du moment où on a récupéré un certain nombre de runes, on peut vraiment expérimenter de nombreuses manières et arriver à des résultats puissants (et parfois inattendus). C'est un détail, mais j'ai beaucoup aimé de pouvoir « découvrir » un sort avant que le jeu nous le dise ! Le jeu ne comporte pas de “vraies” énigmes à la Silent Hill, mais l'intérêt du gameplay se trouve bien souvent dans l'utilisation des sorts, qui aident à la fois à la résolution d'énigmes et à faciliter les combats…

Autre originalité : en plus d'une barre de vie et d'une barre de magie, les personnages ont une barre de santé mentale. Celle-ci baisse à chaque fois que l'on rencontre un monstre, et remonte quand on l'achève avant qu'il ne disparaisse. Si elle baisse trop, le personnage se met à avoir des hallucinations… et celles-ci sont particulièrement efficaces, vu qu'elles jouent autant des tours au personnage qu'au joueur même. Je n'en dirai pas plus, mais même après en avoir vu une vingtaine, certaines ont réussi à me surprendre en me faisant croire que j'avais fait une erreur fatale ou que ma console déconnait..! Si vous aimez le mindfuck dans les jeux vidéo (du genre combat contre Psycho Mantis pour prendre l'une des références les plus connues), vous devriez vous régaler.

Le style d'écriture (j'y ai joué en anglais, je ne sais pas ce que vaut la version française) est aussi inspiré de Poe et Lovecraft, donc un peu ampoulé (j'avoue que j'ai dû chercher quelques mots dans le dictionnaire, genre “foetor” !) mais tout à fait appréciable ; en tout cas je préfère ça à une écriture neutre. Et si l'inspiration lovecraftienne est manifeste, l'histoire même est mémorable. Surtout la manière dont on la “vit” en la jouant.

Au final, j'ai beaucoup apprécié ce jeu, sans doute l'un des plus marquants de sa génération. Dommage que sa suite ait été annulée…

mercredi 31 octobre 2012

Nine Inch Nails


Salutations, amis mélomanes!

Si vous ne vous êtes jamais intéressés aux goûts musicaux des ados gothiques en l’an 2000, que vous n’aviez aucune pulsion dark-rebelle-suicidaire au lycée et que le nom de Nine Inch Nails ne vous dit rien, voici une petite introduction :

Nine Inch Nails est le groupe de rock industriel le plus connu de par le monde. Des millions d’ados mal dans leur peau vénèrent Trent Reznor comme un dieu de la musique et cousent des logos NIN sur leurs sacs Eastpak tout en écoutant The Downward Spiral à fond sur leur iPod. Moi-même, j’ai été un peu comme ça, sauf que je ne vénérais pas Trent Reznor comme un dieu, que je ne portais pas de logo NIN sur mon sac et que je n’ai jamais eu de lecteur mp3. N’empêche que Nine Inch Nails était mon groupe préféré quand j’étais au lycée, que je continue à le tenir en haute estime et que j’avais envie de vous en parler.

Bon OK mais ça ressemble à quoi ?
La musique de Nine Inch Nails est avant tout du rock. Du rock violent et sombre, qui utilise beaucoup de sons (électroniques) inhabituels et des rythmes parfois proches du mécanique ; il y a souvent un impressionnant travail au niveau des sonorités chez Nine Inch Nails que l’on n’entend pas dans la plupart des groupes. Tout n’est pas qu’agression et déferlantes : le groupe donne aussi dans l’atmosphérique et le mélancolique, avec pas mal de compositions au piano sur certains disques ; on trouve aussi des pistes plus électroniques et dansantes. Nine Inch Nails n’est pas un groupe de pop, mais reste très accessible en général.

Je peux dire sans trop me mouiller que Nine Inch Nails aura été l’un des groupes les plus importants dans le développement de ma culture musicale : c’est avec lui que j’aurai vraiment découvert les concept-albums, et surtout l’importance des sons mêmes au-delà des rythmes, des mélodies et des paroles.

Mais Nine Inch Nails, c’est de l’industriel, non ?
Pas exactement. Nine Inch Nails est généralement considéré comme le groupe qui a popularisé et démocratisé le rock industriel. C’est souvent à lui que pensent les gens quand on leur parle de musique industrielle, mais attention : le rock industriel, le metal industriel et l’industriel tout court, ça n’est pas pareil ! La musique industrielle « pure » est souvent quelque chose d’expérimental, froid et bruitiste, qui peut être franchement difficile à apprécier et qui s’éloigne assez nettement de tout ce qui touche au rock. Si c’est ça qui vous tente, c’est plutôt du côté de Throbbing Gristle, SPK ou Test Dept. qu’il faut chercher… La musique de Nine Inch Nails reprend certaines caractéristiques de l’esthétique industrielle (certains sons et certains types de rythmes) mais en les adaptant ; on est loin du nihilisme hagard pour camés fétichistes des machines qu’on entend chez les purs et durs du genre.

Y’a qui dans le groupe ?
Nine Inch Nails est plus un projet solo qu’un “vrai” groupe ; le seul membre fixe, qui écrit, compose et joue presque tout, est Trent Reznor. Les autres musiciens sont surtout là pour les tournées.

Le saviez-vous ? Les “reznors” de Super Mario World (vous savez, ces tricératops à grosse tête ↓ qui crachent des boules de feu) sont nommés d’après Trent Reznor !



OK, voilà pour l’introduction ; j’attaque la discographie.
(Si vous voulez plus de clips, c’est en-dessous !)



C’est trop long, j’ai pas envie de tout lire, je suis un homme pressé !
· Si vous voulez un seul album de Nine Inch Nails, prenez The Downward Spiral.
· Les autres disques à écouter en priorité sont Pretty Hate Machine (qui peut aussi être un bon premier disque pour découvrir le groupe) et Broken. Ensuite, prenez-vous The Fragile.
· Si vous en voulez encore plus après ça, piochez dans les disques en couleur dans la liste ci-dessous !

Les “halos” :
Tous les disques de Nine Inch Nails (à l’exception d’un ou deux singles) sont numérotés chronologiquement et ont une référence sous la forme “Halo 1”, “Halo 2”, etc. (Une belle tactique marketing pour donner envie aux collectionneurs d’avoir tous les numéros.)

Seuls les hyper-fans et les maniaques ont besoin de tout avoir. Voici un petit résumé pour voir vite fait quels disques sont « importants » ou pas :
Halo 1 : Down in It (single)
Halo 2 : Pretty Hate Machine (album)
Halo 3 : Head Like a Hole (single)
Halo 4 : Sin (single)
Halo 5 : Broken (EP)
Halo 6 : Fixed (EP de remixes)
Halo 7 : March of the Pigs (single/EP)
Halo 8 : The Downward Spiral (album)
Halo 9 : Closer to God (single)
Halo 10 : Further Down the Spiral (album de remixes)
Halo 11 : The Perfect Drug (single)
Halo 12 : Closure (vidéo : live + clips)
Halo 13 : The Day the World Went Away (single)
Halo 14 : The Fragile (double album)
Halo 15 : We’re in This Together (single)
Halo 16 : Things Falling Apart (album de remixes)
Halo 17 : And All That Could Have Been (album live + DVD live)
Halo 17 bis : Still (versions acoustiques et instrumentales)
Halo 18 : The Hand That Feeds (single)
Halo 19 : With Teeth (album)
Halo 20 : Only (single)
Halo 21 : Every Day Is Exactly The Same (single)
Halo 22 : Beside You in Time (DVD live)
Halo 23 : Survivalism (single)
Halo 24 : Year Zero (album)
Halo 25 : Y34RZ3R0R3M1X3D (album de remixes)
Halo 26 : Ghosts I-IV (double album)
Halo 27 : The Slip (album)
Halo 28 : Hesitation Marks (album) *
(* non traité ici : cet article date de 2012)



Présentation et critique de disques principaux :
(NB : Comme je kiffe bien le tricératops de Super Mario World, je demanderai à un reznor d’illustrer à chaque fois mon opinion sur l’album.)



Pretty Hate Machine (1989)
Le premier album de Nine Inch Nails a un côté très “années 80” avec ses synthés, ses sons électroniques de l’époque, ses effets de réverbération, etc. Un peu daté ? Ouais, on peut dire ça. Perso, vu que j’adore les synthés ça ne me dérange pas le moins du monde — et puis au niveau compositions, ça envoie !

Pretty Hate Machine  est un mélange de synth pop dansante, de rythmes mécaniques et de paroles qui se complaisent dans le vice, le tout avec un côté résolument rock. C’est sur ce disque qu’il y a “Terrible Lie”, “Head Like a Hole”, “Sin” et “Ringfinger”, qui sont autant de chansons incontournables qui me donnent encore des frissons aujourd’hui ; j’ai découvert Nine Inch Nails avec cet album, et je crois que j’ai bien fait de commencer par là !

À noter que le disque est pas mal inspiré notamment par Skinny Puppy (“Down in It”, le premier single, est même carrément pompé sur “Dig It”), groupe non moins important d’électro-industriel canadien. Nine Inch Nails s’émancipera vite de cette influence, mais certains fans de Skinny Puppy reprocheront toujours à Reznor d’avoir copié et édulcoré leur musique en la rendant plus pop et accessible…



Broken (1992)
À la suite de plusieurs querelles avec son label de l’époque (TVT), Trent Reznor est carrément remonté et décide de s’en séparer coûte que coûte. C’est donc en secret qu’il enregistre Broken, un EP de six pistes + deux cachées où il évacue toute sa frustration. C’est le disque le plus agressif de Nine Inch Nails, avec un son à part et qui mérite largement d’être considéré au même titre que les albums du groupe ; l’auditeur en prend plein la gueule, les guitares sont distordues à l’extrême, chants à la limite du hurlement et rythmes frénétiques sont à l’honneur tout cela ne dure que vingt minutes mais vingt minutes d’une intensité peu commune. Balancez-vous ça un jour où quelque chose vous énerve : c’est souverain !

(Il existe également un court métrage Broken, regroupant les clips de l’EP et conçu pour être le plus dérangeant possible — en fait, c’est censé ressembler à un snuff movie. Je n’ai aucune envie de regarder ça, ça doit être dégueulasse.)



Fixed (1992)
Avec Fixed, Nine Inch Nails commence ce qui deviendra plus ou moins une tradition : sortir des albums de remixes. Ceux-ci seront de qualité variable, allant du recommandable Further Down the Spiral au complètement raté Things Falling Apart. Ce ne sont pas des disques majeurs en général, mais Fixed mérite une attention particulière : l’idée de ce disque est de faire de Broken, cette décharge continue de rage folle et d’énergie destructrice, quelque chose de froid et d’expérimental. Si les trois premiers remixes restent relativement classiques (mais de qualité, et signés par des grands noms du rock indus et du post-indus : on y retrouve Coil ♥ ou J.G. Thirlwell ♥ entre autres), Fixed s’engage ensuite dans des méandres de plus en plus torturés et déroutants, pour finir sur des miasmes chaotiques qui rappellent vraiment l’industriel pur voire la noise music.

Fixed est de loin le disque le plus difficile d’accès de Nine Inch Nails, et ce n’est pas non plus l’un des meilleurs. Certains le trouveront sans doute complètement inécoutable vers la fin (faut avoir envie de s’enquiller “Screaming Slave” !), et ce n’est pas le meilleur exemple d’indus expérimental qui existe, mais ce disque mérite l’écoute si l’on a envie de voir jusqu’où on peut pousser ce genre d’expérimentations.



The Downward Spiral (1994)
Le chef d’œuvre de Nine Inch Nails, The Downward Spiral est un album conceptuel qui raconte l’histoire d’un homme dont la vie se défait de plus en plus, pour aboutir à une chute irréversible : séparations, tromperies, blessures, rejet de la religion, rejet de sa propre sensibilité, dépression, folie furieuse, refuges fugaces ou délétères… Malgré ces thèmes qui pourraient laisser imaginer un album malsain et déprimant au possible, The Downward Spiral parle surtout de prises de conscience ; la folie autodestructrice apparente n’est en réalité qu’une lucidité qui advient trop tard, ou trop intensément.

Sans doute l’album le mieux construit et le plus travaillé de Nine Inch Nails, The Downward Spiral est aussi particulièrement intéressant au niveau des styles musicaux abordés, qui vont de la chanson rock toute en retenue mais dont le rythme se casse complètement à la fin (“Piggy”) à des martèlements désespérés et effrayants (“Eraser”) en passant par une boucle infernale de cris et de sons électroniques (“The Becoming”) et un interlude ambient aussi réconfortant que fragile (“A Warm Place”), pour se finir sur une chanson particulièrement intime (“Hurt”). Dès l’ouverture, on sent que la machine autodestructrice est en route et que rien ne pourra l’arrêter, et l’intensité reste là jusqu’à la toute fin. C’est un disque extrêmement puissant ; encore aujourd’hui, je considère cet album comme l’un des disques majeurs de son époque.

(Les remixes et faces B valent aussi le détour ; on peut les trouver sur Further Down the Spiral — à noter que la version britannique et la version américaine contiennent des pistes différentes — et l’EP Closer to God. Quelques-uns sont disponibles sur le second disque de la version deluxe/anniversaire de l’album. Un remix de Closer est notamment utilisé dans le générique de début du film Se7en…)

(The Downward Spiral fut joué intégralement en live pendant la dernière tournée de Nine Inch Nails ; un bootleg vidéo circule sur internet avec l’approbation de Reznor. Le musicien, pas le tricératops. Enfin, peut-être que le tricératops approuve aussi.)



The Fragile (1999)
Cinq ans après The Downward Spiral, Trent Reznor sort un double album tout aussi intime mais plus apaisé de manière générale… et moins facile à cerner. Nettement plus hétérogène que les disques précédents, The Fragile évoque une convalescence difficile et des émotions parfois divergentes. L’enchaînement des trois premières pistes passe de la frustration à un apaisement teinté de tristesse, et semble manifester une volonté de se détacher de l’énergie négative des albums précédents. Il y a des chansons qui évoquent la tendresse là-dedans (“The Fragile”), un certain bonheur paisible (“La Mer”)… mais toujours un sentiment de blessure sous-jacente.

Au niveau style, The Fragile est relativement épuré. Les aspects rageurs de la musique sont toujours présents mais plus isolés, et les pistes les plus réussies sont plutôt axées électronique (“Into the Void”), ou tendres et mélancoliques (“The Great Below”). Il y a également pas mal de pistes instrumentales, et celles-ci font partie des meilleures : ce sont souvent les plus inspirées, les plus intenses et les plus expressives. On aurait peut-être pu se passer du single pas très subtil “Starfuckers, inc.” — mais pas de l’hypnotique et hyperactive “Complication” ni de la superbe “Just Like You Imagined”.

J’ai un peu de mal à évaluer The Fragile aujourd’hui. Ce double album (que j’ai découvert avant The Downward Spiral) aura été mon premier “album préféré de tous les temps”, je l’aurai beaucoup écouté (souvent la nuit, dans mon lit au casque, en ne faisant rien d’autre que me concentrer sur la musique… la meilleure façon d’écouter sans doute !) mais il est rare que je me le repasse aujourd’hui. Selon l’opinion générale des fans, il s’agit du meilleur disque de Nine Inch Nails après The Downward Spiral.



And All That Could Have Been (2002)
The Fragile aura marqué la fin d’une période. Histoire de marquer la rupture et de faire une rétrospective sort ce coffret qui, dans sa version “deluxe”, inclut un disque live ainsi qu’un disque de versions épurées acoustiques non retravaillées intitulé Still.

Le live est tout ce qu’on attend d’un excellent live ; c’est une véritable bombe d’énergie, l’enregistrement est très bon, la performance quasi-irréprochable. Les pistes de Pretty Hate Machine perdent complètement leur côté “années 80” et font regretter que tout l’album n’ait pas été enregistré de cette manière !

Quant à Still… c’est un disque généralement très apprécié des fans, mais pour être honnête il ne m’émeut pas plus que ça. Les reprises au piano, avec une voix imparfaite mais pas de public, n’ont que très peu d’intérêt à mes oreilles et je préfère infiniment les originales. (Je fais le même reproche au Knock on Wood des Young Gods par exemple ; en général je trouve que ce concept de “reprises acoustiques” est du flan, tout l’intérêt du travail sur les sons — qui fait en grande partie l’identité de ces groupes — passe à la trappe.)

Les pistes inédites par contre sont belles, et vont encore plus loin que The Fragile dans le côté intimiste… bref, je n’aime que la moitié de Still. Qu’importe : And All That Could Have Been vaut le coup rien que pour le premier disque.



With Teeth (2005)
Le cinquième album du groupe sort après six ans d’attente (pour les fans), six ans de problèmes avec l’alcool et la drogue (pour Trent Reznor). Disons-le franchement : With Teeth (qui tire son nom d’une piste des Melvins) manque d’ambition et de nouvelles idées ; c’est un album délibérément plus simple, presque pop, et nettement moins inspiré que les précédents. Pas vraiment mauvais, mais à moins d’être un grand fan, on peut s’en passer.



Year Zero (2007)
Reznor se rattrape très bien deux ans plus tard ; nouveau concept-album, cette fois-ci plus politique que personnel, Year Zero est accompagné d’un alternate reality game complet. L’histoire est située dans les États-Unis en 2022, à une période où le monde semble tomber dans la dystopie ; je ne vais pas tout raconter ici parce que ce sujet est déjà assez long comme ça mais c’était plutôt intéressant et bien fichu !

Au niveau musical, Year Zero mélange habilement des structures accrocheuses et une esthétique abrasive (guitares, distortion et électronique bruitiste) très réussie ; moins innovant que les premiers albums mais diablement efficace. Quelques passages sont étonnants, à la limite du glitch, mais les refrains sont tellement accrocheurs, les rythmes tellement entraînants que tout s’écoute avec plaisir.

Nine Inch Nails n’avait pas été aussi entraînant et même dansant depuis “Sin” et “Head Like a Hole”… et autre bonne surprise : les expressions de mal-être adolescent qui pouvaient être un peu pesantes et ridicules sur les disques précédents ont presque toutes disparu. Bref, tous les fans ne sont pas d’accord avec moi sur ce point, mais pour moi Year Zero est une vraie réussite !



Ghosts I-IV (2008)
2008 : Nine Inch Nails a rempli son contrat avec Interscope et décide de devenir complètement indépendant, sans le soutien de labels ni de maisons de disques. Désormais plus libre, Trent Reznor décide de sortir un double album inattendu : trente-six pistes instrumentales “d’inspiration visuelle”, chacune illustrée par une photographie ; un disque que l’on peut classer dans l’ambient, et où l’on sent (selon moi) beaucoup l’inspiration du superbe double album Selected Ambient Works, vol. II d’Aphex Twin.

Ghosts I-IV est un disque qui a le mérite d’être très différent des autres, même si l’atmosphère (entre l’apaisement et la tourmente) et les sons (le piano est à nouveau très présent) peuvent rappeler certains passages de The Fragile.
Parfois joli donc, mais souvent oubliable, avec parfois une impression d’inachevé, Ghosts I-IV m’aura peu accroché au final… Je le range dans les disques mineurs et je lui préfère très nettement Selected Ambient Works, vol. II.



The Slip (2008)
Un album au son direct, cru, relativement court (43 minutes) ; de l’indus rock plein d’énergie (“1,000,000”, “Letting You”), de l’ambient (“Corona Radiata”), du piano (“Lights in the Sky”) et une piste électro-rock dansante (“Discipline”) ; aucune vraie surprise, mais du bon son ! Rien qui convaincra les réfractaires, mais un petit album sympathique. Et puis, petit plus toujours appréciable : The Slip est disponible gratuitement sur le site officiel du groupe.






[edit 2013 : Voilà, voilà ; je sais que cet article n’est plus à jour vu que Hello Oblivion (de How to Destroy Angels) et Hesitation Marks sont sortis depuis, mais je n’ai que peu écouté ces derniers — et le peu que j’ai entendu m’a donné l’impression que si Reznor était toujours aussi doué au niveau sons et production, il commençait à tourner franchement en rond niveau songwriting. Peut-être que d’autres écoutes viendront changer mon opinion, peut-être pas — en attendant, j’ai tellement d’autres disques à écouter que je laisse un peu Reznor de côté pour le moment..!]


Et à part Nine Inch Nails ?
Trent Reznor a aussi participé à d’autres projets, surtout ces dernières années ;
· il a travaillé sur le très bon The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust! du rappeur Saul Williams (on sent vraiment la patte de Reznor dessus ; j’aimais déjà bien Saul Williams avant, mais cette collaboration est particulièrement réussie),
· la bande originale de The Social Network avec Atticus Ross, celle de The Girl with the Dragon Tattoo… et d’autres encore ;
· Reznor fut aussi impliqué dans le projet 1000 Homo DJs (avec Ministry),
· a beaucoup collaboré avec Marilyn Manson,
· a réalisé la bande son des jeux Quake et Call of Duty: Black Ops II (il faudrait que j’écoute celle de Quake, il paraît qu’elle est très bien !),
· a chanté sur la très chouette “I’m Afraid of Americans” de David Bowie,
· et avait prévu de collaborer avec Maynard James Keenan (le chanteur de Tool), Atticus Ross et Danny Lohner sur un projet du nom de Tapeworm (un fiasco : aucun enregistrement ne vit jamais le jour, et tout fut abandonné au bout d’une dizaine années),
· Mais le projet le plus important de Reznor à part Nine Inch Nails ces derniers temps s’appelle How to Destroy Angels ; le groupe inclut également la chanteuse Mariqueen Maandig, Atticus Ross et Rob Sheridan. Le nom du groupe vient d’une piste de Coil (groupe de post-indus dont Reznor est fan… et moi aussi). Ce que j’en ai entendu ressemblait beaucoup à Nine Inch Nails, avec une voix féminine en plus.

Hé c’est cool, y’a quoi d’autre comme bons disques dans le même genre ?
Ça vous plaît ? Tant mieux ! Voici une petite sélection perso d’autres bons disques de rock indus, ou sur lesquels Reznor a travaillé, ou qui l’ont inspiré :
· Skinny Puppy – Mind: The Perpetual Intercourse
· Foetus – Nail
· Einstürzende Neubauten – Tabula Rasa
· The Young Gods – Only Heaven
· Saul Williams – The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust!
· David Bowie – Outside
· Marilyn Manson – Antichrist Superstar
· Front 242 – Front by Front
· God – Possession

Voilà !
Si vous voulez plus d’infos, je vous renvoie à ce wiki, très complet : http://www.ninwiki.com
Le site officiel du groupe se trouve ici (mais il renvoie souvent au wiki pour les infos) : http://www.nin.com

mercredi 18 juillet 2012

Déconnexion :

Mon disque dur interne a rendu l’âme il y a trois jours.

Rien de grave : j’ai de quoi m’en payer un nouveau, j’avais sauvegardé mes données et (coup de chance) je suis en vacances pour le moment → pas besoin d’envoyer de fichiers ni de lire de mails importants. Je peux tenir quelques jours sans ordinateur sans problème, et ça me fait même du bien (même si je me rends compte que j’ai souvent envie de chercher des informations difficiles à trouver autrement).

(D’ailleurs, ces dernières années, j’ai eu cinq jours sur sept un ordinateur obsolète, incapable de lire des vidéos ou de naviguer correctement sur les pages trop gourmandes en ressources… Sa lenteur et ses limitations m’incitaient à lire, sortir, écrire, dessiner plus, ce qui n’était pas plus mal.)

Mais voilà : ça m’angoisse de penser que, d’ici peu, à cause de mon travail (entre autres), se déconnecter ne sera plus envisageable.



Je n’ai pas envie de me déconnecter totalement, mais de pouvoir le faire.



Je me mets à me méfier de tous les progrès à cause de cette sale tendance qu’on a à changer les nouvelles possibilités en nouvelles nécessités.

mardi 5 juin 2012

Dernièrement, j'ai lu :


Till Damaskus (Le Chemin de Damas), d'August Strindberg. Strindberg n'est pas mon auteur préféré, mais Le Chemin de Damas est un texte intéressant ; c'est une longue pièce de théâtre en plusieurs parties, à la limite du roman, qui raconte l'histoire d'un écrivain paranoïaque et dépressif dont s'éprend une femme. Les deux finissent par partir en une sorte de pélerinage… Le début est un peu pénible vu que l'écrivain (appelé “l'inconnu” dans les didascalies) voit le désespoir et la damnation absolument partout, mais le texte devient prenant par la suite avec ses réflexions sur la nature humaine, la petitesse de la société, les relations entre hommes et femmes, la religion… On a l'impression que ce ne sont pas seulement les personnages mais aussi et surtout Strindberg lui-même qui est dérangé, tiraillé entre diverses idées, et qui présente ses réflexions accompagnées de ses hésitations tout le long. Ce qui n'en rend le texte que plus attachant quelque part, même si l'auteur n'y apparaît pas forcément comme sympathique et que je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il dit. (Il était misogyne, entre autres.)

Il y a une version anglaise lisible gratuitement sur Project Gutenberg, si vous voulez un aperçu.





Fortællinger om natten (Les Contes de la Nuit) de Peter Høeg. Une collection de nouvelles liées entre elles. Toutes les histoires se passent le même jour (le 19 mars 1929) et parlent toutes, d'une façon ou d'une autre, de personnages ambitieux et passionnés en quête de vérité. Un mathématicien qui a perdu foi en les mathématiques et se retrouve au Congo pour l'inauguration d'une ligne de chemins de fer, par exemple, ou une scientifique qui a toujours refusé les avances des hommes et qui essaie de réaliser une expérience sur “la durée de l'amour”… Tout est à la limite du réalisme et de l'impossible, souvent surprenant, bien raconté, j'ai beaucoup aimé.

(Par contre j'ai voulu enchaîner avec La Petite Fille Silencieuse du même auteur, mais j'ai fini par abandonner à la moitié vu à quel point c'était confus.)





Nog, de Rudolph Wurlitzer. Un roman psychédélique (écrit en 1968) à focalisation interne, avec un narrateur très bizarre. Ce narrateur s'appelle peut-être Nog. Ou peut-être pas. Il parle d'une pieuvre et de trois “souvenirs” (qui sont peut-être fabriqués de toutes pièces) auxquels il se raccroche, souvenirs dont il se sert pour mystifier les autres personnages quand ceux-ci lui adressent la parole. On ne sait pas s'il a une maladie mentale, est sous le choc après un traumatisme, amnésique ou drogué vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Peut-être un peu de tout ça. Et là commence une sorte de périple à travers les États-Unis, où le narrateur se retrouve entraîné dans des lieux mal famés, entouré de personnages finalement aussi improbables que lui (à se demander si tout le monde n'est pas fou ou drogué en permanence dans cet univers). Autant vous le dire tout de suite : ne vous attendez pas à une explication quelconque ! Mais c'est un bon bouquin, intéressant, trippant même. Je lui reproche juste d'avoir trop de scènes de sexe un peu gratuites.





Azorno d'Inger Christensen : Autre roman expérimental court, original et auquel on ne peut pas être sûr de comprendre quoi que ce soit, Azorno raconte l'histoire de cinq femmes et de deux hommes (un écrivain et son personnage ? un écrivain et son pseudonyme ?) ; l'histoire semble être celle d'une relation amoureuse entre les femmes et l'écrivain en question, mais les faits changent à chaque changement de section et de narrateur. En fait, chaque femme est narratrice à tour de rôle, et si l'on devine une partie des faits qui ont eu lieu, savoir qui a fait quoi est presque impossible… Je pense qu'il y a deux manières de lire ce livre : soit en échafaudant des théories, en faisant du va-et-vient entre les sections pour vérifier et en dessinant des schémas compliqués par dizaines en essayant de s'y retrouver (est-ce seulement possible ?), soit en se laissant perdre dans ce labyrinthe qui donne le tournis.

Petit coup de gueule par contre en ce qui concerne l'édition française : j'ai l'impression que les traducteurs ont fait n'importe quoi au niveau des participes passés qui indiquent le genre des personnages (il n'y a pas de telles marques de genre en danois), et font dire « Je me suis levé » à une femme, « Je suis sortie » à un homme etc — sans aucune logique ni cohérence, même d'une phrase à l'autre au sein d'un même paragraphe. Alors qu'on peut quand même identifier qui parle la plupart du temps ; le texte n'est pas confus à ce point… J'ai fini par corriger le bouquin moi-même avec un crayon (ce que je ne fais jamais d'habitude). Si vous maîtrisez plusieurs langues, préférez peut-être une autre traduction que la française !




Le Déchronologue de Stéphane Beauverger est une histoire de science-fiction qui se passe au XVIIe siècle, ou plus exactement dans un XVIIe siècle uchronique où des déchirures temporelles font leur apparition. Ces failles apportent des “merveilles” (objets venus du futur) mais aussi des catastrophes (quand une faille s'ouvre brusquement au milieu d'une ville par exemple : tout ce qui était à la place de la faille se retrouve détruit, ce qui était à moitié dans la faille déchiré en deux). Le roman suit l'histoire du capitaine Henri Villon, qui cherche à faire commerce de ces “merveilles” au début — et finit par se retrouver embarqué dans une aventure désespérée à bord d'un navire qui utilise des “canons à minutes et à secondes” (des petites failles temporelles donc — ce qui résulte en des tueries assez gore, le temps étant une arme contre laquelle on ne peut rien). L'histoire est racontée de manière non linéaire. J'ai passé un très bon moment en le lisant, j'aimerais bien trouver d'autres romans dans le même genre !





Daytripper de Fábio Moon & Gabriel Bá : J'ai un peu de mal à expliquer pourquoi j'ai adoré cette BD. Le sujet (les âges de la vie, la mortalité) est somme toute classique, les personnages aussi… Mais les dessins sont beaux, les couleurs superbes — et surtout, la narration fait son effet. Au début, elle est surprenante et peut paraître morbide. Mais c'est justement cette impression de morbidité qui évolue, puis qui finit par disparaître et qui fait la force de l'ouvrage. (Je n'en dis pas plus — j'ai commencé à lire sans connaître le concept de base et je crois que ça m'a permis d'apprécier l'ouvrage d'autant plus.)

Ne lisez pas tout d'une traite. Chaque soir où j'avais envie de lire Daytripper, je lisais un chapitre, et je crois que c'est comme ça qu'il faut procéder. Je vous recommande très chaudement Daytripper en tout cas.





Habibi de Craig Thompson : Ça aussi, c'est superbe. Une histoire qui se passe dans un pays arabe imaginaire, avec une femme (Dodola) vendue par ses parents qui recueille un très jeune esclave (Zam), s'échappe pour aller vivre avec lui et lui servir de mère dans un bateau échoué dans le désert… L'histoire est racontée en neuf chapitres avec une chronologie fragmentée, et surtout beaucoup de symbolisme recherché (ça n'est jamais difficile à lire, mais les « jeux de motifs » (je ne sais pas trop comment dire ça) sont parfois impressionnants). C'est une histoire d'amour, une histoire sur les histoires, et aussi une présentation des textes sacrés musulmans pas du tout prosélytiste mais qui en fait voir la beauté. Ça n'est pas un conte à l'eau de rose, d'ailleurs : certains passages sont assez durs, et on dirait parfois que Thompson se joue de nos attentes en préservant un moment l'illusion d'un monde oriental idéalisé et hors du temps pour nous replonger dans la réalité moderne l'instant d'après.

jeudi 2 février 2012

test de jeu vidéo n° 32 : Dishonored


Guten Abend
les jeunes (et les autres),
je vais vous parler de l’un des jeux qui auront fait le plus parler d’eux en l’an de grâce MMXII.

Dishonored est un jeu d’infiltration avec de la magie… et/ou un first-person shooter/first-person slasher avec de la magie, selon la manière dont vous jouez. Vous incarnez Corvo Attano, garde du corps de l’impératrice Jessamine Kaldwin qui règle sur la ville de Dunwall dans l’île de Gristol rongée par la peste propagée par les rats qui crient “scriiiii!” et mordent les gens et les dévorent jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’impératrice (!!! attention je vais spoiler les cinq premières minutes du jeu !!!) se fait assassiner sous vos yeux ; manque de chance, c’est vous qu’on accuse, vu que le véritable assassin disparaît comme par magie. Vraiment par magie en fait. Et par coup monté aussi. Vous voilà donc vilipendé, en tôle, condamné à mort, et votre but est de vous échapper puis de déjouer une grande conspiration afin de laver votre honneur, rétablir vérité et justice à Dunwall… et accessoirement vous venger si vous le souhaitez.

Le gameplay emprunte des éléments à Thief, Bioshock et Deus Ex… surtout à Thief il paraît, mais je n’ai pas joué à Thief donc je ne peux pas vous dire. · · · · · L’univers est très dickensien ; Dunwall ressemble à une grande ville britannique au début du XXe siècle, les gens sont bourrus, usés par la mer et toutes sortes de malheurs, toute la technologie fonctionne à l’huile de baleine et les gens bouffent de l’anguille, de l’anguille en gelée, de l’anguille bouillie et de la tarte à l’anguille quand ils ne crèvent pas de la faim ou de la peste. Vous pouvez décider de vous intéresser à cet univers ou pas, en lisant des livres et/ou en utilisant le Cœur (artefact vous permettant d’en apprendre plus sur les vies et pensées des autres personnages) ; mais sachez qu’univers et scénario ne sont pas le point fort de Dishonored. Les textes d’ambiance, pas toujours très bien écrits, se limitent souvent à des descriptions de pêche à la baleine, d’industrie de la baleine et autres (malgré le logo Bethesda au début du jeu, on n’est pas dans Oblivion); quand au Cœur, j’ai arrêté de le consulter au bout d’un moment tellement ce qu’il racontait était glauque, déprimant et, au bout d’un moment, redondant. On pourra aussi reprocher aux gardes du jeu de répéter les mêmes phrases tout le temps, à la fin d’être franchement expédiée et de ne pas répondre à toutes les questions qu’on se pose… bref, niveau immersion, on a vu mieux. · · · · · Le design général et les musiques sont de très bonne facture par contre, ce qui n’est pas négligeable.

Ce qui fait toute la force de Dishonored, c’est la liberté dont vous jouissez pour accomplir les missions qui vous sont imposées. Comme je l’ai dit au début, vous pouvez infiltrer discrètement tous les lieux et finir le jeu sans être détecté ni tuer personne (pas même les boss !), ou bien vous la jouer “gros bourrin”, foncer dans le tas et buter tout le monde. Les niveaux sont vastes et complexes, regorgent de chemins possibles différents qui font que le gameplay ne paraît pas du tout linéaire. (Si vous décidez de ne tuer personne, il faudra un peu fouiller pour trouver des moyens d’arriver à vos fins sans passer par la lame ou la balle ; ça vaut le coup, et en cherchant vous pourrez aussi dénicher des objectifs secondaires.) · · · · · De plus, vous débloquez au fur et à mesure du jeu une panoplie de pouvoirs magiques (une dizaine de sorts environ est disponible) qui vous donnent plein de moyens différents d’arriver à vos fins ; vous pouvez vous téléporter plus ou moins loin, envoyer des hordes de rats sur vos ennemis, ralentir ou même arrêter le temps pendant quelques secondes, prendre possession d’animaux ou même d’humains..! Avec tous ces outils, le fait de s’en sortir donne très souvent l’impression d’avoir trouvé une solution par soi-même de manière ingénieuse, plutôt que d’avoir trouvé la solution à laquelle les développeurs avaient pensé — et ça, j’aime beaucoup.

On peut finir le jeu très vite si on prend la méthode bourrine, mais les perfectionnistes et collectionneurs de trophées en auront pour leur argent : trouver toutes les runes et tous les charmes (cachés dans des recoins différents des niveaux), débloquer tous les trophées, ça doit représenter un bon défi ! Comptez une petite dizaine d’heures pour finir le jeu en moyenne… mais vous pouvez diviser par 2 ou multiplier par 3 cette durée selon vos méthodes et votre méticulosité. (Je ne sais pas combien de temps j’ai mis personnellement vu que le jeu ne l’indique pas, je dirais bien une vingtaine, mais je joue particulièrement lentement aussi — et j’ai sauvegardé/échoué/recommencé/sauvegardé/échoué/recommencé… tout plein de fois parce que je suis une quiche en infiltration (même si les gardes ont une intelligence artificielle pas loin de la débilité totale, le level design demande de se creuser la tête par moments)).

Bref — Dishonored est un bon jeu. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un chef-d’œuvre, la faute notamment à l’univers et au scénario qui auraient mérité d’être plus développés (du coup ce jeu ne fera pas partie de ceux dont je me souviendrai avec émotion dans dix ans… en fait, ça peut être considéré comme un grand défaut : d'ici dix ans, j'aurai probablement complètement oublié Dishonored) ; de nombreux joueurs lui reprochent également une durée de vie trop faible (encore une fois, ce ne fut pas du tout mon cas mais je joue très lentement donc…), mais le gameplay et la liberté d’action de ce jeu sont assez remarquables. Et puis, les bons jeux d’infiltration, ce n’est pas si courant que ça.

Histoire de le comparer aux titres auxquels il a été comparé par d’autres, je dirais qu’il est moins bon que Bioshock mais meilleur que Deus Ex: Human Revolution.




(Note en passant : si vous voulez y jouer en anglais, il vous faudra acheter une version import. Mais il paraît que la VF est très correcte, voire meilleure au niveau de certaines voix.)